(L’image ci-haut est un tableau restauré de Sir Isaac Brock, par Brian Deines, 1988, Collection de beaux-arts de l’Université Brock)
Bienvenue à Niagara-on-the-Lake! Je m’appelle David et je serai votre guide intertemporel aujourd’hui. Tout au long de ce tour, nous alternerons entre passé et présent, c’est-à-dire entre aujourd’hui et le 18 juin 1812. À l’époque, la ville s’appelait simplement Niagara, mais plusieurs s’y référaient encore par son ancien nom : Newark.
La dernière semaine fut plutôt mouvementée pour le général Isaac Brock. Il avait beaucoup de choses en tête puisque la situation s’envenimait des deux côtés de la rivière Niagara entre les États-Unis d’Amérique et la province du Haut-Canada. La subtile tension dans l’air de la ville lui a rappelé que le nouveau chapeau de général officier qu’il avait commandé d’Angleterre quelques semaines auparavant n’était pas encore arrivé… ou peut-être avait-il été livré au mauvais endroit?
Reculons dans le temps et marchons avec le général Brock à travers le Niagara de 1812 alors qu’il visite quelques-uns des endroits-clés où son chapeau aurait pu être livré par erreur.
Avant de commencer, il est important de souligner que la ville a été entièrement consumée par un incendie en 1813. Par conséquent, les lieux que nous allons visiter ensemble, à l’exception de l’église, n’existent plus. Nous connaissons leur existence par le biais d’écrits et d’images de l’époque. Nous avons inclus dans ce tour autant de support visuel et de descriptions que possible pour chacun des arrêts.
Gardez votre téléphone intelligent ou autre appareil à portée de la main puisque vous serez aussi invité à visiter quelques liens externes pertinents. Tout ce que vous avez à faire est de suivre les instructions qui vous seront données. Le texte ci-après contient toutes les images et les liens dont vous aurez besoin durant votre périple. Je peux vous assurer que nous trouverons le chapeau de Brock!
Êtes-vous prêt à m’accompagner et à devenir un voyageur intertemporel? Vous vous apprêtez à entreprendre un voyage dans le passé pour découvrir et visiter quelques endroits importants qui se trouvaient ici il y a plus de 200 ans. Partons ensemble pour une promenade à travers les rues de Niagara telle qu’elle était en 1812!
Pour nous aider à nous repérer dans la jeune ville, nous utiliserons une très vieille carte, le « Plan de Niagara du Haut-Canada » dessiné en 1810 par A. Gray et que vous pouvez retrouver sur le site web de la Société Historique de Niagara.
(Portion du Plan de Niagara du Haut-Canada N° V [1810] par A. Gray Asst Qr Mr Genl Québec, 20 novembre 1810. Ce plan provient d’un levé trigonométrique du Lieutenant Gray [Sgd] Q.M. GEnls Office Quebec, 1er juin 1811 James Kemps Q M Genl N. America)
Commençons notre voyage au coin des rues maintenant appelées Front et Simcoe. Suivez ce lien Google Maps pour vous aider à vous y rendre.
1er arrêt :
Le phare
Vous devriez maintenant être à quelques pas du Site Historique National de Fort Mississauga. Le mot « Mississauga » provient de «Mis-zaagiing», un mot algonquien signifiant «ceux à l’embouchure de la grande rivière». Étonnamment, le fort n’est pas notre destination avec le général Brock… Reculons dans le temps jusqu’au 18 juin 1812, avant la guerre, avant que ce vieux fort ne soit même une idée… Êtes-vous prêt? Vous pourriez vous sentir un peu étourdi…
Vous avez réussi! Bienvenue en 1812! Vous êtes arrivé à notre destination et vous devriez voir ceci :
Vue du Fort Niagara sur le Lac Ontario depuis le phare du côté britannique (http://images.ourontario.ca/1812/73788/data?n=1)
Bienvenue au phare de Mississauga Point, le premier phare construit sur les Grands Lacs. Cet emplacement, où la rivière Niagara rencontre le lac, fut un endroit très stratégique durant plusieurs siècles. Il fut occupé par au moins trois tribus amérindiennes : les Neutral (15e siècle), les Sénécas (fin du 17e siècle) et les Mississaugas (18e siècle). Le mot «Niagara» est quant à lui dérivé de la langue des Iroquois qui vivaient à cet endroit avant l’arrivée des Européens. Bien que plusieurs croient qu’il signifie «eau tonitruante», Niagara pourrait aussi vouloir dire «cou»; la rivière Niagara serait donc «le cou entre deux lacs»
Le phare de Mississauga Point, de ce côté de la rivière, a été construit par des maçons militaires du 49e régiment de Foot. Sa tour de pierre hexagonale était accompagnée d’une résidence séparée mais adjacente pour le gardien du phare. Jetez un coup d’œil à cette copie des plans de construction originaux datant de 1804.
Une copie de 1909 du plan original du phare (1804) ayant été érigé à Mississauga Point, signé par Gustavus Nicolls et copié par J. Simpson. (http://images.ourontario.ca/1812/69940/data?n=2)
Brock fut appelé à aider à la construction de la tour haute de 13,7 mètres et de la maison du gardien ainsi que de désigner un soldat de la garnison pour s’occuper du phare. Dominic Henry du 4e bataillon de l’Artillerie Royale a été nommé gardien du phare. Il a débuté à son nouveau poste en juin 1804 et y est demeuré 10 ans.
Situé à l’embouchure de la rivière Niagara et ayant vue sur le trafic maritime et sur le Fort Niagara du côté des États-Unis, la position stratégique du phare fut un grand avantage pour le général Brock, sans oublier que Dominic et sa femme Mary sont toujours disposés à donner un coup de main. En ce qui concerne notre dossier, ni l’un ni l’autre n’a vu le nouveau chapeau du général Brock. Nous devrons donc continuer notre recherche.
(http://foghornpublishing.com/Digest/database/dataphotopage.cfm?value=2933)
Malheureusement, le phare sera endommagé à la fin de l’occupation américaine en 1813. Il sera démantelé en 1814 pour faire place au Fort Mississauga qui incorporera des pierres récupérées de l’ancien phare.
Nous voilà de retour dans le présent. Vous pouvez maintenant suivre le sentier traversant le terrain de golf et jeter un coup d’œil à ce site historique national si vous le désirez ; vous y trouverez en son centre une plaque commémorant l’existence du phare. Une fois arrivé, je vous présenterai l’histoire du Fort Niagara de l’autre côté de la rivière afin de vous mettre en contexte. Prenez votre temps, profitez du paysage et revenez au tour lorsque vous serez prêt à continuer.
Fort Niagara
Vous êtes là! Êtes-vous prêt à en apprendre davantage sur le Fort Niagara? Les fortifications de l’autre côté de la rivière ne furent pas toujours appelées ainsi. Pour comprendre l’histoire du fort, je dois vous ramener un peu plus loin dans le temps… jusqu’en 1678!!! Retournons-y ensemble afin de mieux comprendre les origines du Fort Niagara.
Les terres de l’autre côté de la rivière font seulement partie du territoire des États-Unis depuis 1783 et l’occupation du fort par les Forces Américaines a seulement débuté en 1796. Puisque notre petite promenade avec le général Brock a lieu en 1812 et que l’histoire du fort a débuté plus de 130 ans auparavant, l’occupation américaine est plutôt récente.
Fort Niagara fut originalement construit en 1678 par René-Robert Cavalier, Sieur de La Salle, pour protéger les intérêts de la Nouvelle-France en Amérique du Nord. Son nom était alors Fort Conti. En 1687, le gouverneur de Nouvelle-France, le marquis de Denonville, construisit un nouveau fort sur l’ancien site du Fort Conti. Il le nomma Fort Denonville, d’après son propre nom, et y posta 100 hommes.
Fort Denonville, Rivière Niagara, contrôlé par la Nouvelle-France Archives nationales d’outre-mer (France), auteur inconnu, Dessin au crayon fait en 1687
À cause du climat et de maladies, seuls 12 hommes survécurent au rude hiver dans le fort. Le site fut abandonné l’année suivante. Ce ne fut pas avant 1726 que les Français y retournèrent pour construire la « Maison de la Paix », un poste de traite pour apaiser les Iroquois.
Fort Niagara, 1728, Poste de traite (http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fort_Niagara.jpg)
Le fort fut agrandi à sa présente taille en 1755 à cause de l’augmentation des tensions entre les Français et les intérêts coloniaux britanniques. Nous avons inclus ici quelques plans originaux du fort et des images de sa structure finale.
Plan de Niagara et des fortifications faites en 1755 et 1756 [vue rapprochée] Basé sur le « Plan de Niagara et des Fortifications faites en 1755 et 1756 » par le capitaine Pierre Pouchot, dessiné aux environs du 18 octobre 1756 pour documenter les progrès du fort durant sa première année.
Fort Niagara, « Château Français », plan (http://www.ofnfieldschool.com/)
Fort Niagara, « Maison de la Paix », photo par Anne Jennsen, 25 mai 2005 (http://www.fortwiki.com/File:Fort_Niagara_Castle_-_1.jpg)
Le fort Niagara a joué un rôle important dans la Guerre de la Conquête et est tombé aux mains des Anglais en juillet 1759. Il a ensuite servi de base pour les Loyalistes dans l’état de New York durant la guerre d’indépendance des États-Unis pour le colonel John Butler et ses rangers, une milice aux ordres de l’armée britannique. Ce n’est pas avant la fin de la guerre d’indépendance et la signature du traité de Paris, le 3 septembre 1783, que le fort fut cédé aux États-Unis. Toutefois, la région est demeurée sous contrôle britannique pendant 13 ans. C’est après la signature du traité de Londres que les Américains débutèrent l’occupation du fort. Voici une copie des deux traités.
Traité de Paris (1783), première page (http://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=6#)
Traité de Paris (1783), page des signatures (http://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=6#)
Le traité de Londres original, page 1 (https://en.wikipedia.org/wiki/Jay_Treaty)
Le document complet est disponible ici.
Bien sûr, je ne m’attends pas à ce que vous vous souveniez de tous ces détails! Le plus important est de vous rappeler que le Fort Niagara a d’abord été sous contrôle des Français, puis des Anglais et finalement des Américains. Tentez aussi de vous souvenir de James Butler et ses rangers…
Je vous invite maintenant à revenir au point de départ d’où nous continuerons notre recherche du nouveau chapeau du général Brock à travers Niagara. Notre prochain arrêt sera au coin des rues Front et Victoria ; marchez simplement deux pâtés de maisons le long de la rue Front en vous éloignant de Fort Mississauga.
2e arrêt
Le siège de Brock et la maison Addison
Vous devriez maintenant vous trouver au coin des rues Front et Victoria. Comme vous vous en doutez, aucune de ces résidences privées n’y étaient en 1812. Reculons de nouveau dans le temps pour découvrir ce qu’il y avait ici au temps de Brock.
Le siège de Brock
Selon une histoire largement acceptée du folklore local, il y avait autrefois un grand bloc de roche sur la rive ouest de la rivière Niagara au bout de la rue Victoria, où vous vous trouvez présentement, à l’opposé du Fort Niagara. Sur cette grande roche au dessus plat, le général Brock s’assoyait et étudiait la citadelle de l’autre côté de la rivière.
À la fin du siècle, en novembre 1893, le poète William Kirby fera relocaliser la pierre, la sauvant ainsi de l’oubli ou de la destruction par le développement de la ville. Il écrira le sonnet suivant pour l’occasion :
Photographie de William Kirby avec sa signature, circa 1865. Source : Courtoisie de Wikimedia Commons (http://www.biographi.ca/en/bio.php?id_nbr=6826)
Brock’s Seat
(poème original en anglais)
“Yes! Place it in the old churchyard, this stone
In honoured memory of heroic Brock,
Whose seat it was, oft pondering the shock
Of war to come, while lake and river shone
With sunset glory. His clear eye alone
Foresaw the way to victory – to unlock
The people’s hearts and fill them from his own.
Yes! Set it fitly in the sacred ground,
And every year with garlands be it crowned,
Forgetting never, our deliverance stood
At the full price of his devoted blood,
The price he paid, amid the battle roar,
As Queenston Heights bear witness ever more.”
Le siège de Brock
(traduction française)
Oui! Placez-la dans le vieux cimetière, cette pierre
En honneur et mémoire de l’héroïque Brock
Dont c’était le siège, maintes fois cogitant le choc
De la guerre à venir, pendant que brillaient sur le lac et la rivière
La gloire du soleil couchant. Seul son œil clair
Prévit la voie vers la victoire – pour libérer
Le cœur des gens et les emplir du sien
Oui! Fixez-la bien dans ce lieu sacré
Et que chaque année de guirlandes elle soit couronnée,
Sans jamais oublier que notre délivrance fut
Au prix de son sang dévoué
Le prix qu’il a payé, au milieu du grondement de la guerre
Comme Queenston Heights en est témoin à jamais
Croyez-le ou non, vous pourrez voir et même vous asseoir sur le siège de Brock un peu plus tard dans le tour! Pour l’instant, voici une image de cette fameuse pierre et du chapeau que nous recherchons.
Image fournie par l’église St-Mark, Niagara-on-the-Lake
La maison Addison
Sur ce même coin de rue se trouvait un bâtiment connu sous le nom de « La Maison Addison ». Elle fut la toute première résidence du révérend Robert Addison, qui fut le premier pasteur anglican à l’église que notre carte de 1810 nomme «L’Église Anglaise». Addison emménagea dans cette maison à son arrivée à Niagara en 1792.
Une lettre écrite par Peter Russel, un membre du Conseil législatif du Haut-Canada, le 6 août de la même année, se réfère à la maison Addison comme à l’une des trois seules maisons adéquates dans la ville, le reste étant considérées comme des « domiciles construits très simplement »…
En 1808, après être déménagé à Lake Lodge, un peu à l’extérieur de la ville, Addison transfère la propriété à William et James Crooks. Tentez de vous souvenir de ces personnages puisque nous les rencontrerons à nouveau un peu plus tard. Malheureusement, aucun plan ou représentation de la maison n’a survécu, mais nous visiterons l’église d’Addison plus tard.
Avez-vous vu le chapeau de Brock en quelque part? Non? Moi non plus. Revenons dans le présent afin de nous rendre à notre prochain arrêt.
Pour arriver à notre prochain repère historique, continuez à marcher le long de la rue Front pour deux autres pâtés de maison jusqu’à la rue King. En chemin, vous croiserez à votre gauche un bâtiment public au milieu du parc où se trouvent des salles de bain si besoin est.
3e arrêt :
La Gazette du Haut-Canada
Vous devriez à ce moment-ci vous trouver au bord du parc Queen’s Royal donnant sur la rivière et y apercevoir une gloriette blanche. Trouvez un endroit où vous asseoir pendant que nous visitons notre prochain arrêt : La Gazette du Haut-Canada.
Nous revoici en 1812! Avant tout, jetons un coup d’œil à cette partie de notre carte.
La carte de Gray indique clairement l’existence d’un tanyard sur la rive, soit un endroit situé à l’extérieur de la tannerie servant à l’opération des cuves de tannage. Une tannerie est un établissement convertissant les peaux en cuir. Les cuves de tannage sont tout simplement de grands récipients dans lesquels les peaux sont trempées dans différentes solutions, dont des teintures. Nous ne nous attarderons pas sur cet établissement puisque très peu d’informations ont été retrouvées au sujet de la vieille tannerie, mais connaître son emplacement vous servira plus tard.
Aussi, un peu en amont, la carte indique un établissement de production de potasse. La potasse est un type d’engrais sous forme de sel contenant du potassium et soluble dans l’eau. L’édifice se trouve sur la rive puisque, tout comme le processus de tannage, la fabrication de la potasse implique l’usage de l’eau. Mentionnons simplement que, avec ces deux établissements au même endroit, une odeur intéressante devait flotter dans l’air ici en 1812…
Nous nous concentrerons principalement ici sur «La Gazette du Haut-Canada ou Oracle Américain», le premier journal imprimé dans le Haut-Canada entre 1793 et 1849. Ce n’est pas ici que le journal est imprimé en 1812, mais le site sera l’endroit de publication de «The Gleaner» qui sera, de 1817 à 1837, l’un des plus importants journaux du Canada.
La Gazette du Haut-Canada fut tout d’abord imprimée et publiée ici à Niagara avant que ses bureaux ne soient déménagés dans la ville de York ou, telle que vous la connaissez, Toronto. La distribution de la Gazette se faisait principalement dans le Haut-Canada et aux États-Unis, mais certaines personnes s’y abonnaient aussi depuis la Grande-Bretagne et ses colonies, lesquelles deviendront éventuellement le reste du Canada. Voici une image de la une de la toute première édition publiée jeudi le 18 avril 1793, suivie d’une photo de la presse qui a sans doute servi à l’imprimer :
La presse Roy, Niagara Parks, Musée de l’imprimerie Mackenzie Image empruntée de https://printinghistory.org/mackenzie-printery-museum/
Cette presse a survécu au passage du temps et est arrivée au 21e siècle en plutôt bon état. Elle est maintenant exposée au Musée de l’imprimerie de Mackenzie situé à Queenston, un endroit très intéressant à visiter.
La Gazette a joué un rôle assez important dans la formation et l’évolution de la province puisqu’elle a permis d’améliorer la communication de façon spectaculaire en permettant à l’information de voyager dans la région et à l’extérieur de Niagara. Avec les années, le journal a publié une myriade d’informations de grande importance dont certaines proclamations officielles du général Brock. Vous pouvez voir ici une courte annonce publiée dans la première édition :
Comme vous pouvez le constater, toutes les nouvelles ne sont pas mauvaises ; celle-ci en particulier généra tout un émoi dans la ville! Selon certaines sources, la brasserie fut elle aussi construite sur la rive de la rivière, relativement près de cet endroit.
Revenons ensemble à la réalité du 18 juin 1812. Pendant que nous marchions pour tenter de retrouver le nouveau chapeau du général Brock, un acte important est passé au Congrès des États-Unis à Washington. Demain, le président James Madison signera une proclamation et la fera publier partout aux États-Unis : une déclaration de guerre entre les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, ce qui inclut les territoires du Bas et du Haut-Canada. Voici une photo de cette proclamation.
Cette proclamation marque le début de la guerre de 1812, laquelle aura un grand impact sur cette région. Suite à cette publication, les événements se déchaîneront et Brock sera bien sûr l’un des premiers à apprendre la nouvelle, mais l’idée de l’Internet n’arrivant pas avant encore 150 ans, l’invention du téléphone par M. Bell tardant jusqu’en 1876 et même le télégraphe n’étant pas un moyen de communication viable avant les années 1830, la nouvelle de grande valeur historique prendra un peu de temps pour arriver à Niagara. Ce n’est qu’une semaine plus tard que le général Brock recevra finalement la nouvelle. Il écrira alors sa propre proclamation à la main pour publication, avertissant la population de ce côté de la frontière de l’état de guerre nouvellement proclamé entre les deux pays. Voyez ci-après les versions manuscrite et imprimée de la proclamation de Brock.
Proclamation manuscrite de Brock à propos de la guerre nouvellement déclarée
Proclamation de Brock à propos de la guerre nouvellement déclarée, imprimée
Au moment de cette dernière proclamation, l’imprimeur de la Gazette s’appelait John Cameron. Le nom de journal fut changé en 1807 pour «The York Gazette», puisqu’il est imprimé à York (Toronto) depuis 1798. Vous pouvez voir ici un exemple de la nouvelle une du journal :
Le chapeau du général Brock ne semble pas se trouver près d’ici. Revenons donc au présent et à notre joli parc.
Il y a aujourd’hui, au coin des rues Front et King, quelques plaques commémoratives dédiées à l’existence des premiers journaux du Haut-Canada qui ont joué un rôle des plus importants dans la création et le développement de ce pays. Pour en apprendre davantage sur la Gazette, vous pouvez suivre ce lien qui vous mènera à un livre électronique gratuit (en anglais) sur Openlibrary.org intitulé «The Upper Canada Gazette and its Printer, 1793-1849»), duquel nous avons tiré toutes les images précédentes.
Prenez maintenant un moment pour profiter du parc et rencontrons-nous de nouveau à notre prochain arrêt lorsque vous serez prêt. Pour vous y rendre, marchez simplement un pâté de maisons le long de la rue King Vous vous trouverez alors au coin des rues King et Prideaux. À tout de suite!
4e arrêt
Le palais de justice et la prison
Vous devriez maintenant vous trouver au coin des rues King et Prideaux. Ce coin de rue a toujours été un endroit important à Niagara-on-the-Lake. En 1812, c’était l’emplacement du palais de justice et de la prison. Retournons dans le passé afin de voir ce que nous pouvons découvrir sur ce bâtiment.
Durant l’établissement de Newark en 1791, le gouvernement britannique donna à William Smith, le député arpenteur général, l’ordre de dessiner les plans de la nouvelle ville. Les plans officiels de Smith incluaient une place publique entre les rues Mary, William, Mississauga et Butler ainsi que le Palais de Justice au coin de Mississauga et Queen. L’idée était de construire le centre de la ville hors de la portée de tir du Fort Niagara. Néanmoins, au tout début de l’établissement de la ville, seul un petit groupe de marchands politiquement actifs prenait la majeure partie des décisions concernant la nouvelle capitale.
Ces marchands-échevins maintinrent le centre de la ville près du rivage, ignorant ainsi les plans officiels de Smith. Une publicité pour des « clous pour la Prison et le Palais de Justice » signée en 1795 par Ralfe Clench, superintendant des édifices publics, prouve que cette institution s’est rapidement avérée nécessaire. Le bâtiment fut érigé sur le lot 32, où vous vous trouvez présentement, au coût de 300£, dotant le chef-lieu d’installations convenables.
Aucun plan ou dessin du Palais de Justice original n’a survécu au passage du temps, mais les quelques bribes d’informations qui sont arrivées jusqu’à notre époque suffisent à nous donner une très bonne idée de ce à quoi il pouvait ressembler.
Tout d’abord, nous savons que « le Palais de Justice était de type blockhaus, et visuellement on ne pouvait le manquer ». Nous savons aussi qu’il fut complètement rasé par les flammes en 1813, ce qui signifie qu’il était très probablement fait entièrement de bois. Il est intéressant de noter que, durant la même période, au début de l’établissement de la ville, des blockhaus furent aussi construits à l’intérieur du Fort George, tout près d’ici, pour des soldats et des internes des hôpitaux. Nous savons à quoi ceux-ci ressemblaient puisque qu’ils seront reconstruits en 1939. Les plans, les dimensions et la reconstruction du Fort George furent basés sur des écrits historiques et des bâtiments similaires de la même époque à Fort York. Nous pouvons donc présumer que le premier Palais de Justice et la prison, alors situés juste ici, ressemblaient aux casernes de Fort George. Voici une photo et une vieille carte postale de ces bâtiments reconstruits :
Collection du Musée Historique de Niagara, Objet. ID 2007.005.007
Les trois blockhaus reconstruits au Fort George
(http://parkscanadahistory.com/series/chs/23/chs23-1l.htm)
Plus tard durant la guerre, près de 400 prisonniers, plusieurs d’entre eux accusés de déloyauté, seront confinés dans le Palais de Justice et la prison ainsi qu’au blockhaus (ce qui veut probablement dire l’un des bâtiments de Fort George). Cela implique que le bâtiment qui se trouvait ici en 1812 était sûrement de taille assez importante pour accueillir la moitié de ces prisonniers.
En 1788, John Butler, de qui nous avons parlé plus tôt dans la section du Fort Niagara avec ses rangers, fut nommé l’un des premiers Juges de la Cour des Plaidoyers Communs. Butler, avec l’aide d’autres hommes de l’époque, s’occupait des affaires civiles entre sujet et sujet pour le District de Nassau, dont la ville de Newark faisait partie. Vous pouvez voir son nom au haut de cette page de l’«Almanach Québec» de 1793 :
Collection du Musée Historique de Niagara, Almanach Québec 1793
Tel que nous l’avons mentionné plus tôt, le Palais de Justice sera consumé par un incendie en 1813. Le nouveau Palais de Justice sera construit en périphérie de la ville et ressemblera à ceci :
Collection du Musée historique de Niagara, Palais de justice et prison Photographie, 2008.001.017
Lorsqu’il fut complété en 1818, le second Palais de Justice était considéré comme étant l’un des bâtiments les plus élégants du Canada. Il fut utilisé comme palais de justice et prison jusqu’en 1847. Il est intéressant de noter qu’on retrouve, dans une édition de 1816 du Spectator de St.Davids publiée par Richard Cockrell, une publicité signée Ralfe Clench, Clerc de la Paix du District de Niagara, pour « des matériaux requis pour la construction de la prison et du palais de justice, devant être livrés entre le 1er juin et le 13 juillet : 50 toises de pierre, 330 barils de chaux. , 200 000 briques, 20 000 bardeaux, des poutres carrées 12 x 14 de chêne et 20 000 pieds de bois de pin ». Il s’agit du même Ralfe Clench qui demandait des « clous pour la prison et le palais de justice » 20 ans auparavant, en 1795. Petite ville, n’est-ce pas?
Il semble qu’il n’y ait aucune trace du nouveau chapeau de Brock ici non plus. Continuons notre périple à travers le temps en revenant tout d’abord au 21e siècle.
Notre prochain arrêt est de l’autre côté de la rue. Vous êtes présentement à la fin de la rue Prideaux et au début de la rue Byron. Pour vous y rendre, traversez simplement la rue King et marchez 2 minutes sur la rue Byron jusqu’à ce que vous voyiez une grande église de pierre à votre gauche. À tout de suite!
5e arrêt :
L’église St-Mark
Vous souvenez-vous du révérend Robert Addison dont nous avons parlé plus tôt? Oui? Laissez-moi vous présenter son église nouvellement construite! À vrai dire, cette affirmation sera seulement correcte si nous retournons une fois de plus à l’époque du général Brock. Je me confonds parfois à force d’aller et revenir dans le temps toute la journée! Qu’attendons-nous? Allons-y!
Vous revoilà! Considérant la présente époque, c’est-à-dire juin 1812, l’église St-Mark a à peine 3 ans. Beaucoup de choses surviendront ici, mais, pour l’instant, tout est plutôt calme. Parcourons un peu l’histoire de cet endroit réellement remarquable.
En mai 1791, l’Église Anglicane a nommé Robert Addison pasteur à Niagara. Celui-ci s’embarque pour le Canada quelques mois plus tard. Il apportait avec lui un calice d’argent et sa bibliothèque de plus de 1500 livres hérités de son père.
À son arrivée à Niagara au mois de juillet, Addison découvre que sa paroisse inclut tous les petits villages qui émergeaient de Fort Érié à Ancaster et de York (Toronto) à London, ainsi que la réserve amérindienne le long de la rivière Grand. La ville ne comptait aucune église ; Addison tenait ses services au Pavillon maçonnique ou à la Maison du conseil indien. La plupart des personnes importantes à l’époque, telles que le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, le colonel John Butler et le major général Sir Isaac Brock, faisaient partie de la congrégation. Le terrain cédé par la Couronne pour l’église était situé à mi-chemin entre la ville et Fort George. Les travaux pour la construction d’un bâtiment élégant ont commencé rapidement ; travailleurs et paroissiens transportaient des pierres depuis l’escarpement. Il sembla pour un bon moment que le projet était trop ambitieux pour la petite congrégation. Addison célébra son premier office dans l’église seulement 18 ans après son arrivée, en 1809. Voici probablement le plus ancien dessin de l’église, datant de 1820 :
Collection du Musée historique de Niagara, 988.218. Dessin simple de l’église St-Mark sur papier (1820), vue depuis une maison près des casernes de pierre et attribué à Deborah Muirhead. Le dessin est délavé au point d’avoir perdu beaucoup de détail, mais reste une pièce historique importante.
Les Forces Britanniques utiliseront plus tard l’église St-Mark comme hôpital. Peu après, les Américains utiliseront aussi l’endroit comme hôpital et entrepôt suite à la capture de Fort George en 1813. Les cuisiniers de l’armée américaine utiliseront quelques-unes des pierres tombales peu élevées comme planches à découper, laissant ainsi des traces qui seront encore visibles 200 ans plus tard, tout comme des tranchées creusées dans le jardin de l’église pour la défense américaine.
Malheureusement, le révérend Addison n’a pas vu le chapeau que nous recherchons. Nous devrons continuer à le chercher ailleurs. Revenons dans le présent pour apprendre ce qu’il advient de l’église plus de 200 ans plus tard!
Aujourd’hui, le bâtiment reste la plus ancienne église anglicane encore en usage en Ontario. Je vous invite à visiter ce joyau historique si le cœur vous en dit. La collection de livres du révérend se trouve dans la bibliothèque Addison, dans le hall du même nom, juste en face de l’église. Le hall n’est pas toujours ouvert, mais s’il l’est, vous pouvez y jeter un œil par les portes de la bibliothèque. La collection est disponible à tous pour de la recherche, mais seulement sur rendez-vous.
Canada, Ontario, Niagara-on-the-Lake, Église anglicane de Saint-Mark, Bibliothèque Addison, un dépôt et bibliothèque pédagogique de livres anciens ayant survécu à la guerre de 1812. (http://stmarks1792.com/wp/history/addison-library/)
Vous rappelez-vous du siège de Brock? Vous serez surpris d’apprendre qu’il se trouve maintenant ici! Passez simplement à l’arrière de l’église et suivez le sentier jusqu’au cimetière. L’image que vous avez vue plus tôt a été prise ici en 2012.
St-Mark est de nos jours une église très « musicale » et possède des qualités acoustiques extraordinaires. Pour cette raison, bon nombre de concerts organisés par Music Niagara y sont présentés. Pour connaître la programmation de Music Niagara, regardez par ici. Finalement, pour obtenir plus de détails sur ce remarquable site historique, suivez ce lien vers le site très complet de l’église.
Lorsque vous serez prêt à continuer, traversez simplement le parc Simcoe vers le centre-ville. Suivez le sentier qui commence juste en face de l’église et qui se termine au coin des rues King et Queen. Durant cette petite marche, je vous invite à écouter l’histoire du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe et de Chloe Cooley. Au milieu du parc se trouve une statue du gouverneur si vous souhaitez prendre une photo.
Simon et Chloe
(au milieu du parc Simcoe)
Statue du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe
Parc Simcoe, Niagara-on-the-Lake
Pour vous raconter cette histoire, je devrai vous emmener un peu plus loin dans le passé, soit en 1793.
Le 14 mars 1793, Chloe Cooley, une esclave noire de Queenston, fut ligotée, jetée sur un bateau et vendue à un nouveau propriétaire aux États-Unis, de l’autre côté de la rivière. Dans un acte de défiance, elle cria en résistance aux abus commis sur sa personne par son propriétaire, le sergent Adam Vrooman. Elle résista si violemment que Vrooman requit l’assistance de deux autres hommes pour tenter de la contrôler. Peter Martin et William Grisely furent témoins de sa lutte désespérée et de ses cris. Martin, un ancien esclave, loyaliste noir et membre vétéran des rangers de Butler, et Grisely, un voisin qui assistait à l’événement, portèrent l’incident à l’attention du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe.
Représentation artistique de la vente de Chloe Cooley Image : Black History Canada (http://blackhistorycanada.ca/profiles.php?themeid=20&id=2)
Simcoe tenta ensuite de faire abolir l’esclavage dans la nouvelle province. Les membres élus du conseil exécutif, dont plusieurs étaient des marchands ou des fermiers qui dépendaient de la main-d’œuvre d’esclaves, refusèrent et ne voyaient pas de raison de leur accorder l’émancipation. Le conseil arriva à un compromis et une loi fut adoptée le 9 juillet 1793. Celle-ci empêchait l’introduction de nouveaux esclaves dans la Haut-Canada et, bien qu’aucun des esclaves vivant dans la province ne fut libéré sur-le-champ, la loi permettait l’abolition graduelle de l’esclavage. Ce fut la première législation limitant l’esclavage et elle ouvrit la porte au grand mouvement de libération des esclaves afro-américains connu sous le nom de Chemin de fer clandestin.
Portrait de John Graves Simcoe (1743-1808) par Jean Laurent Mosnier Centre des collections spéciales Marilyn et Charles Baillie, Toronto Reference Library, 5e étage. (http://www.torontopubliclibrary.ca/books-video-music/specialized-collections/rare-books-archives.jsp)
La loi, intitulée « Un acte pour prévenir la future introduction d’esclaves et pour limiter le terme des contrats de servitude à l’intérieur de cette province », stipulait que, même si tous les esclaves dans la province le resteraient jusqu’à leur mort, aucun nouvel esclave ne pourrait être amené dans le Haut-Canada et les enfants nés de mères esclaves seraient libérés à l’âge de 25 ans. L’essentiel du texte a été écrit par John White, le procureur général de l’époque. Des 16 membres de l’assemblée, au moins 6 possédaient des esclaves. Voici une copie de cet élément législatif très important, la première loi de ce genre au monde et qui fut créée ici dans cette petite ville.
Assemblée législative du Haut-Canada – Le texte de « Un acte contre l’esclavage », 1793. Cette image est disponible dans les Archives de l’Ontario (http://en.wikipedia.org/wiki/Act_Against_Slavery#/media/File:An_Act_Against_Slavery.jpg)
Les cris de Chloe Cooley furent entendus et ses tourments ne furent pas en vain…
Vous devriez maintenant vous trouver de l’autre côté du parc, à l’intersection très occupée des rues King et Queen. Tout est très britannique par ici! Pour arriver à notre prochain arrêt, traversez les deux rues pour arriver sur le coin opposé à vous et continuez à marcher le long de la rue King en vous éloignant de la rivière. Au coin de la rue Market, vous verrez à votre droite un bâtiment abritant des toilettes publiques. À notre prochain arrêt, on trouve aujourd’hui une vieille gare convertie en charmant petit café. Nous vous invitons à en profiter pour prendre une pause si vous le désirez. Voyager dans le temps comme nous le faisons aujourd’hui peut s’avérer fatigant! J’y suis habitué, mais n’hésitez pas à vous asseoir un peu avant d’arriver à notre prochain arrêt. Rencontrons-nous de nouveau au café au coin de King et Market. Vous devriez l’apercevoir d’où vous êtes.
6e arrêt
La maison du gouvernement
Vous devriez maintenant être à l’intérieur ou près du petit café dont nous venons de parler. Encore une fois, rien de ce que vous voyez dans les environs n’existait au temps de Brock. Un très grand lot s’étirait entre les rues King, Queen, Johnson et Regent. Prêts à y retourner?
De retour en 1812! Permettez-moi de vous présenter la maison du gouvernement. La maison et les bâtiments attenants sont actuellement les seuls sur tout le lot. La maison du gouvernement est l’endroit où résident les figures politiques lors de leur passage à Niagara ainsi que la résidence principale du général Brock, étant lui-même membre du gouvernement. Elle est parfaitement située entre Fort George et le début de la ville, directement en face du fort de l’autre côté du terrain communal.
La maison du gouvernement ne fut pas construite à cet effet. Elle fut construite par David William Smith, qui arriva ici presqu’au même moment que le révérend Addison. Le poste de député inspecteur général intérimaire lui fut offert en 1792 par John Graves Simcoe. Il participa à l’élaboration du plan de la ville de Newark en 1794, celui qui ne fut pas respecté lors de la construction du palais de justice. Smith occupa différents postes gouvernementaux dans le Haut-Canada jusqu’à ce qu’il retourne en Angleterre en 1802. Voici quelques plans de la maison dessinés en 1797:
Plans et élévations de la maison de l’honorable D. W. Smith, artiste Robert Pilkington, dessins sur papier, 1797. Élégance géorgienne avec vue sur le terrain communal. Courtoisie de la bibliothèque publique de Toronto
La maison de Smith étant grande, élégante et peinte avec beaucoup de goût. Selon Robert Pilkington, qui a dessiné les plans que vous venez de voir, « la maison mesurait 80 pieds de long par 40 pieds de large, avec un hall au milieu et une pièce de chaque côté mesurant 20 pieds carrés. Il y avait une autre pièce de chaque côté mesurant 20 pieds par 14. Il y avait un escalier au bout du hall qui était circulaire avec un virage. La maison avait quatre foyers, une voûte, une grande cuisine, un garde-manger et un endroit pour cuisiner près du foyer. Le premier étage mesurait 65 pieds divisés en quatre pièces. »
Une autre source décrit la maison de Smith dans ces termes : « Au niveau de la taille et de l’élégance, la maison du colonel Smith […] se distingue grandement du reste. Elle consiste en du travail de menuiserie, mais est construite, embellie et peinte avec le meilleur goût ; la cour, le jardin et le terrain sont entourés de clôtures fabriquées et peintes aussi élégamment qu’elles pourraient l’être en Angleterre. Son grand jardin a l’apparence d’un jardin-potager français bien entretenu… »
La maison était évidemment l’une des plus grandes résidences en ville. Elle fut mise en vente en 1799 après que le gouvernement, ainsi que Smith, aient quitté Niagara pour York. Elle fut offerte pour devenir une école de grammaire, mais l’idée fut rejetée parce qu’elle était toujours à portée de tir du Fort Niagara. Elle devint la maison du gouvernement en 1800, probablement à cause de son emplacement, sa beauté et sa taille. Smith est toujours le propriétaire de la maison et de ses lots aujourd’hui, en 1812.
«Résidence de D. W. Smith, inspecteur général, Haut-Canada», selon un dessin d’Elizabeth Simcoe. Artiste inconnu.
Vous pouvez vous imaginer que, étant le centre du gouvernement en ville, beaucoup de choses se sont passées à l’intérieur de ces murs. Nous pouvons presque apercevoir le général Brock, à son bureau, rédigeant à la main toutes sortes de documents officiels et de proclamations avant de les envoyer aux imprimeurs pour publication dans la prochaine Gazette. Le plus important, tel que nous l’avons vu plus tôt, arrivera bientôt, lorsque la nouvelle déclaration de guerre atteindra Niagara. Le chapeau du général Brock n’a toujours pas été livré à la maison aujourd’hui. Continuons à chercher.
Ouf! Je ne sais pas pour vous, mais tous ces voyages dans le temps m’ont étourdi! Notre prochain arrêt est tout juste au prochain coin de rue. Lorsque vous serez prêt, continuez sur la rue King en vous éloignant de la rue Queen jusqu’à ce que vous arriviez à Johnson. Traversez Johnson et vous y serez… au bon endroit, mais pas encore à la bonne époque!
7e arrêt
James Crook et le Lord Nelson
Vous devriez maintenant vous trouver au coin des rues Johnson et King. Comme repère visuel, vous pouvez voir un pub irlandais sur ce même coin de rue. Retournons au temps de Brock et découvrons pourquoi nous nous sommes arrêtés ici.
Nous y voici encore une fois! En théorie, nous n’avons pas bougé beaucoup… Même endroit, autre époque. Intéressant, mais déroutant, n’est-ce pas? Mieux vaut continuer notre recherche plutôt que de s’attarder à ces détails!
Les deux lots en face de la rue King entre Johnson et Gage (la prochaine rue) sont la propriété de monsieur James Crooks, le même James Crooks à qui le révérend Addison a transféré sa maison lorsqu’il est déménagé à Lake Lodge en 1808. Newark est une bien petite ville! À cet endroit se trouvait probablement la résidence de Crooks, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici.
James Crooks
James et ses deux frères, William et Francis, quittèrent l’Écosse pour s’installer à Niagara vers 1792. Quand le fort a été agrandi en 1795, ils déménagèrent leur entreprise à Newark, Haut-Canada. Malheureusement, Francis décéda en 1797, mais William et James continuèrent leur commerce. En plus d’approvisionner l’armée, leur entreprise se charge aussi de l’envoi de grains au Bas-Canada, du brassage et de la distillation, ainsi que de la production de la potasse dont nous avons parlé un peu plus tôt aux abords de la rivière. Pour assurer la livraison de leurs produits, les frères Crooks firent construire un bateau ici même à Niagara : la goélette Lord Nelson. Il fut mis à l’eau le 1er mai 1811, il y a un peu plus d’un an, comme goélette marchande non armée pour transporter de la marchandise entre différents ports du Haut-Canada. Voici un dessin de plan de voilure du Lord Nelson.
(http://www.hamilton-scourge.hamilton.ca/the-schooners.asp)
Il y a moins de deux semaines, le 5 juin 1812, le Lord Nelson fut arrêté sur les eaux du lac par le lieutenant de la marine américaine Melanchton T. Woolsey à bord de son navire, l’Oneida. Il fut alors saisi illégalement pour suspicion de contrebande. Voici un dessin de cet événement historique.
La goélette Lord Nelson étant capturée par le navire de guerre américain Oneida près de Niagara-on-the-Lake, collection spéciale de la bibliothèque publique de Toronto.
Monsieur Crooks est évidemment très irrité par tout ceci et a tenté très activement de récupérer son bateau. Sans le Lord Nelson, l’opération de son entreprise devient beaucoup plus complexe. La nouvelle s’est répandue très rapidement dans toute la région ; cet événement allait à l’encontre des « bonnes manières » habituellement partagées par les militaires des deux côtés de la rivière et a confirmé la suspicion du général Brock sur l’augmentation rapide des tensions le long de la frontière.
Malheureusement, Crooks ne reverra jamais sa goélette. Comme nous l’avons appris plus tôt, les deux pays sont maintenant officiellement en guerre l’un contre l’autre. Le Lord Nelson sera renommé le « USS Scourge » et deviendra un navire de guerre américain. Il coulera plus tard durant la guerre avec un autre bateau nommé « Hamilton » durant une tempête nocturne sur le lac Ontario le 8 août 1813. Selon Ned Myers, l’un des survivants du naufrage, huit hommes du Scourge furent sauvés et environ 42 périrent… La bonne nouvelle pour nous est que monsieur Crooks n’a rien entendu à propos d’une livraison de chapeau à sa résidence et ne sait pas non plus s‘il était à bord du Lord Nelson avec les autres marchandises au moment de sa saisie. Espérons qu’il n’y était pas et que le nouveau chapeau du général Brock n’ait pas flotté jusqu’à Montréal, Québec, voire en quelque part au milieu de l’Atlantique!
Pour terminer l’histoire du Lord Nelson, vous devez savoir que le site du naufrage des deux navires est maintenant désigné comme site historique national du Canada. Les épaves des deux vaisseaux jouissent d’une protection spéciale étant donné leur importance historique et culturelle et parce qu’ils contiennent des restes humains.
Suite à quelques efforts récents pour cartographier et documenter les épaves et aux possibilités technologiques d’aujourd’hui, nous vous invitons à faire une visite sous-marine virtuelle du Scourge, autrefois le Lord Nelson de James Crooks, en suivant ce lien :
http://1812tour.hamilton.ca/hamilton_scourge.html
Les descendants de Crooks ont persisté pour des générations et ont finalement reçu une compensation pour la saisie illégale de la goélette. En 1914, 97 ans plus tard, on leur a accordé un montant de 5000$, plus 93 ans d’intérêts. La compensation totale fut de près de 24 000$, réduite à environ 15 500$ après déduction des dépenses légales. Celle-ci a été payée par le gouvernement des États-Unis aux 25 descendants de James Crooks. Cela confirme bien le dicton : tout vient à point à qui sait attendre!
Notre prochain arrêt sera le dernier. Malheureusement, nous n’avons pas encore trouvé le chapeau du général Brock, mais nous le trouverons, c’est promis!
Je vous invite maintenant à continuer sur la rue King jusqu’au prochain coin de rue, puis tournez à droite sur la rue Castlereagh. Rendez-vous au 43, rue Castlereagh. Avant d’entrer dans le bâtiment, il nous faut revivre les derniers mois du général Brock durant la guerre nouvellement déclarée. C’est une histoire triste qui ne se termine pas très bien, mais elle est nécessaire pour bien comprendre le contexte historique. Vous pouvez marcher lentement jusqu’à notre prochain arrêt tout en lisant si vous le désirez. Si vous le décidez ainsi, assurez-vous de bien regarder devant vous dans le temps présent de temps à autre puisque, dans le passé, le bâtiment vers lequel nous nous dirigeons ne sera construit que dans le futur. Ouf! Cette phrase était bien confuse, mais je suis certain que vous l’avez comprise. Nous avons presque terminé ; ceci sera notre dernier voyage dans le temps pour aujourd’hui.
La dernière bataille de Brock
Nous revoilà en 1812! Comme vous le savez maintenant, les deux pays sont en guerre, mais la nouvelle prendra une semaine pour arriver jusqu’ici. Une croyance populaire raconte que, vers le 25 juin 1812, le général Brock recevait des officiers britanniques et américains pour souper au Fort George lorsque la nouvelle de la déclaration de guerre arriva. La relation entre les deux forces militaires était étonnamment très civilisée avant la guerre. On aurait presque pu croire qu’il n’y avait pas de frontière puisque tout un chacun pouvait traverser la rivière sans problème. Après s’être rendu compte de la nouvelle animosité déclarée entre les deux pays, les officiers décidèrent de continuer leur repas. On dit que Brock se serait calmement adressé à ses invités pour leur dire quelque chose comme ceci : « Il n’y a pas de raison de gaspiller de la bonne nourriture. Finissons notre rencontre amicale ce soir, suite à quoi nous vous escorterons à la rivière et demain ne serons en guerre. » La soirée se serait bien terminée par un toast au roi et au président avant que les Américains ne retournent tranquillement à Fort Niagara. Il est important de noter que la déclaration de guerre fut très mal accueillie des deux côtés de la rivière Niagara.
L’été se déroula sans événement important. L’automne suivant, le 13 octobre 1812 vers 03h00, les Américains, sous le commandement du général Rensselaer, commencèrent à envahir la Haut-Canada à Queenston, sous la lumière tamisée de la lune à moitié pleine. Endormi à Fort George, le général Brock se fit réveiller par le bruit de la bataille plus haut sur la rivière et réalisa tout de suite ce qui était en train de se passer. Il se précipita à Queenston sur le dos de son fidèle cheval Alfred accompagné de ses aides de camp, le lieutenant-colonel John Macdonell et le capitaine John Glegg.
War of 1812: General Sir Isaac Brock on Alfred par J.D. Kelly
Brock vit rapidement que les troupes américaines étaient beaucoup plus nombreuses que les siennes. Il savait l’importance de contrôler les hautes terres de Queenston Heights et voulait en reprendre possession avant l’arrivée des renforts. Il débuta la contre-attaque avec les 200 soldats qu’il avait avec him.
«La bataille de Queenston, 13 oct. 1813 [sic]», aquateinte selon James Dennis (Bibliothèque et Archives Canada, Acc. No. 1970-188-517, W.H. Collection Coverdale d’objets liés à la culture canadienne)
Ses efforts furent vains face aux tirs de l’artillerie américaine. Avec ses troupes au pied du mur, Brock monta sur son cheval et leur ordonna de continuer à attaquer en criant : « Suivez-moi, les garçons! » Portant son bicorne, ses hauts-de-chausses blancs et son manteau écarlate, il était facilement reconnaissable comme un commandant. Durant cette attaque, le major général Sir Isaac Brock fut atteint du projectile d’un tireur d’élite américain qui s’était caché derrière un arbre.
Guerre de 1812 : La mort du général Brock à la Bataille de Queenston Heights par John David Kelly – 1896
Atteint à la poitrine d’une balle de mousquet à bout portant, le général Brock est mort presque instantanément. Son corps fut alors transporté par son aide de camp, Glegg, jusqu’à la maison de pierre de Patrick McCabe à Queenston.
Maison de pierre de Patrick McCabe à Queenston
À son arrivée sur les hautes-terres, Macdonell entendit la nouvelle de la mort de Brock et dirigea immédiatement une attaque contre les envahisseurs. Macdonell fut blessé à trois ou quatres endroits lors de la contre-attaque et mourut peu après minuit le jour suivant après une journée de douleurs atroces.
Après la mort d’Isaac Brock à Queenston Heights, John Macdonell mena une attaque contre les Américains, mais fut lui-même mortellement blessé. (Détail d’un tableau de John David, courtoisie de Bibliothèque et Archives Canada / C-000273)
Le major général britannique Roger Sheaffe prit aussitôt la place du major général Brock et réussit à sécuriser les hautes-terres. Les troupes américaines furent vaincues ; certains soldats sont retournés de leur côté de la rivière et les autres furent capturés. Le reste fait partie de l’histoire.
Général Sir Roger Hale Sheaffe, Bibliothèque et Archives Canada / C-111307
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L’enterrement de Brock et Macdonell eut lieu le 16 octobre à 10h00, un jour de grand deuil à Niagara. Les rues étaient bondées comme jamais auparavant de gens de partout dans la province. Les soldats des troupes régulières et des milices se sont tenus armes renversées sur la rue King en face de la maison du gouvernement et tous les drapeaux furent mis en berne. La marche funèbre de Haendel, que vous écoutez présentement, fut jouée par l’orchestre militaire, emplissant l’air de tristesse alors que la procession débutait son parcours vers Fort George avec Alfred, le fidèle cheval de Brock, menant le cortège. Même les Américains de l’autre côté de la rivière ont pris le temps de rendre leurs hommages ; une salve d’honneur fut réalisée à Fort Niagara « en marque de respect envers un brave ennemi ». Le premier site de sépulture de Brock fut à l’intérieur de Fort George.
Pierre tombale commémorative du général Sir Isaac Brock, à l’intérieur de Fort George
Le 27 mai 1813, plusieurs mois plus tard, les Américains envahirent avec succès Niagara ou « le village de Newark » et occupèrent la ville jusqu’au 10 décembre de la même année. Ce jour-là, la ville fut complètement détruite par le retrait des troupes américaines. Voici un extrait d’un journal américain à propos de cette attaque finale.
« [Nous, à Fort Niagara,] déclenchâmes l’incendie avec des tirs incandescents dirigés contre le village de Newark, à l’opposé du Fort, et, lors du troisième ou quatrième tir, nous nous aperçûmes que le palais de justice était en feu. Peu après, nous nous rendîmes compte que la brasserie et la tannerie sur la berge de la rivière étaient en feu, et que tous leurs bâtiments furent consumés… » (du New York Columbian, fichier de la bibliothèque mercantile, Philadelphie)
Joseph Willcocks, groupe d’Américains et de Canadiens pro-Américains vivant dans le Haut-Canada engagés dans le pillage et l’incendie de maisons de fermes (domaine public)
Après cette première frappe venant des canons de Fort Niagara, les Américains incendièrent presque tous les bâtiments de la ville, incluant la maison Addison, la brasserie, la tannerie, la maison du gouvernement et même l’église St-Mark, dont seuls les murs de pierre subsistèrent. Le phare fut épargné dans le carnage grâce à son importance pour le guidage du trafic maritime sur le lac. Les habitants de Newark n’eurent que quelques heures pour emporter leurs biens dans les rues enneigées. Tout devait maintenant être reconstruit… Je vous ai averti que c’était une histoire triste…
La vie suivit son cours et la ville fut lentement reconstruite. Vous pouvez voir plusieurs de ces bâtiments d’après-guerre encore debout ; mais ce serait un tour complètement différent. Malheureusement, le chapeau bicorne original porté par le général Brock lors de sa dernière bataille fut perdu dans le temps… Le nouveau chapeau qu’il avait commandé d’Angleterre arriva peu après son décès. Voici une lettre de 1887 parlant de l’arrivée et de l’histoire de ce nouveau chapeau.
La lettre décrit la route du chapeau commandé par le général Brock, comment il devint la possession de la famille Ball au Moulin du même nom et comment la Famille Niagara de Locust Grove l’obtint et le donna au Musée. La lettre est signée par John W. Ball et Margaret Ball.
Le nouveau chapeau du général Brock dans sa vitrine. Société et musée historique de Niagara
Évidemment, ce chapeau neuf n’est plus si neuf deux siècles plus tard, mais il est maintenant exposé au Musée de la société historique de Niagara qui devrait maintenant se trouver juste en face de vous!
Musée de la société historique de Niagara à Niagara-on-the-Lake
Le musée a un petit prix d’entrée, mais la visite en vaut réellement la peine! Le chapeau du général Brock est toujours en exposition quelque part à l’intérieur. Je vous invite à entrer et à demander à la réception : « Avez-vous vu le chapeau de Brock? » Ils sauront vous guider vers lui! Quant à moi, mon rôle de guide intertemporel est maintenant terminé. J’espère que vous avez apprécié notre promenade à travers le Niagara de 1812 avec le major général Sir Isaac Brock. Si tel est le cas, pensez à laisser une donation à la Société historique de Niagara. Passez une excellente journée et à plus tard… ou à plus tôt peut-être!
Ce tour a été rendu possible grâce à la collaboration de la Société et musée historique de Niagara qui a gracieusement autorisé l’utilisation de leurs images et ont aussi été impliqués dans la rédaction et révision des faits.
Un merci spécial à l’Association des Bed & Breakfast de Niagara-on-the-Lake pour l’hébergement de ce tour virtuel sur son site web.
«Avez-vous vu le chapeau de Brock?»
Idée, recherche et création par David Levesque
Le tour est et restera accessible et gratuit pour tous